Remise des insignes à M. Andrzej Ciechanowiecki [pl]

Cérémonie de remise des insignes
de commandeur dans l’Ordre des Arts et de Lettres
à M. Andrzej Ciechanowiecki

Résidence de France, le 6 novembre 2012

Excellence,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Cher Andrzej Ciechanowiecki,

Nous sommes ici réunis pour honorer une personnalité polonaise qui toute sa vie s’est dévouée à la cause des arts et à qui la France a souhaité rendre hommage en le faisant commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

L’Ordre des Arts et des Lettres est l’un des quatre ordres ministériels de la République française et en conséquence l’une de ses principales distinctions honorifiques, par laquelle le Ministre de la Culture honore les personnes qui se sont illustrées, soit par leurs contributions au patrimoine mondial dans le domaine artistique ou littéraire, soit par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement de la culture française dans le monde.

Qu’on me permette à présent de retracer en quels traits le parcours et les mérites de celui que la France honore ce soir.

Andrzej Ciechanowiecki, vous êtes né à Varsovie dans une famille que le traité de Riga avait privée de ses terres orientales dans les régions de Vitebsk et Połock, accaparées par la Russie bolchevique. Fils de diplomate, vous passez une partie de votre prime enfance à l’étranger, à Budapest, avant de revenir à Varsovie où la guerre viendra vous surprendre alors que vous n’avez que 15 ans.

C’est clandestinement, dans Varsovie occupée, que vous commencer à étudier l’histoire de l’art. Vous vous engagez également dans l’Armia Krajowa, et vous prenez part, à vingt ans, à l’Insurrection de Varsovie. Mais en dépit du courage et de la bravoure des insurgés, Varsovie tombe sous le regard impassible de l’Armée rouge qui stationne de l’autre côté de la Vistule.

Dans la Pologne d’après-guerre, votre connaissance de plusieurs langues étrangères vous permet, dans un premier temps, d’être embauché par les nouvelles autorités au ministère des Affaires étrangères et de participer à plusieurs négociations internationales. Mais, très vite, vos origines familiales comme votre activité au sein de l’AK, vous vaudront d’être écarté par le pouvoir communiste.

Vous décidez alors de reprendre à Cracovie vos études entamées et interrompues durant la guerre. Vous obtenez un diplôme de l’Académie d’Économie, puis de la Faculté d’Histoire de l’Art de l’Université Jagellonne.

Mais à peine nommé Assistant à l’Institut d’Histoire de l’Art, vous êtes arrêté par la tristement célèbre SB. Après deux ans de longs et pénibles interrogatoires, vous êtes condamné pour l’aide que vous auriez prétendument apportée aux « espions anglo-saxons et du Vatican ». Vous passez alors six longues années dans les geôles communistes, dont vous ne sortez qu’en 1956, blanchi des accusations portées contre vous.

En dépit des épreuves que vous venez de traverser, vous reprenez alors vos travaux à Cracovie, et notamment vos recherches consacrées à la culture de l’ancienne Rzeczpospolita.
Titulaire d’une bourse d’études, vous quittez la Pologne en 1958 pour un séjour à l’étranger de 9 mois… qui se tranformera en exil de 19 ans !

Vous rejoignez en effet l’Université de Tübingen, où vous obtenez un doctorat en philosophie magna cum laude. Après des séjours en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Portugal, vous décidez de vous établir à Londres, où vous organisez de nombreuses expositions, notamment au sein de la Galerie Heim dont les inaugurations deviennent bientôt des événements courus du tout-Londres.

De retour en Pologne en 1977, vous vous investissez dans la revalorisation et la préservation du patrimoine culturel et architectural polonais, à commencer par le Château Royal de Varsovie auquel votre Fondation fera don de plus de 3000 pièces : ameublement, textiles, peintures, sculptures, argenterie, bijoux...

Andrzej Ciechanowiecki, vous êtes, de par les traditions de votre famille, l’éducation que vous avez reçue et votre sensibilité propre, francophone et francophile. C’est donc fort naturellement que vous avez, dans vos activités artistiques, accordé une large place à la mise en valeur de l’art français, qu’il s’agisse de sculpteurs parfois oubliés du 19ème siècle comme Jules Dalou ou Jean-Baptiste Carpeaux à qui vous avez rendu justice, ou de l’histoire des bronzes français du 16ème au 18ème siècle, pour lesquels vous avez créé un groupe d’étude international.

Vous êtes par ailleurs membre d’honneur de nombreuses sociétés savantes et associations œuvrant pour la culture française, comme la Société des Amis de la Maison de Balzac. Mais il s’agit là d’une histoire de famille, puisque je crois savoir que vous êtes l’arrière-arrière-petit-neveu d’Ewelina Hańska !

À Varsovie, vous contribuez généreusement à l’érection de monuments rappelant l’importance du rôle joué par la France en faveur de l’indépendance de la Pologne : la statue du Général de Gaulle bien sûr, mais aussi le buste de Napoléon érigé sur la place même où il trônait avant-guerre, ou encore la plaque commémorative saluant l’action du Général Weygand en 1920 comme conseiller militaire à Varsovie pendant la guerre polono-bolchevique.

Andrzej Ciechanowiecki, on pourrait ainsi continuer longtemps à rappeler les si nombreux services que vous avez rendus au patrimoine culturel mondial, vos initiatives pour préserver les richesses architecturales en Biélorussie, votre action au sein de la Fondation Karta z Dziejów pour la reconnaissance des apports juifs à la culture et à l’histoire de la Pologne ou encore votre engagement dans les rangs de l’Association polonaise de l’Ordre Souverain de Malte, dont je salue le président, M. Andrzej Potworowski, présent ce soir parmi nous.

Andrzej Ciechanowiecki, vous avez mêlé tout au long de votre vie l’amour passionné de l’art, l’amour filial de votre patrie, la Pologne, et l’amour sentimental que vous portez à mon pays. Pour ces sentiments que vous lui portez et dont vous avez fait maintes fois la preuve, pour votre engagement au long de toutes ces années en faveur du patrimoine culturel français, polonais et mondial, mais aussi pour l’exemple d’abnégation et d’humanisme que vous avez donné au travers de toute votre vie, la France vous nomme aujourd’hui commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

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Andrzej Ciechanowiecki, au nom du Ministre de la Culture, nous vous faisons commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Dernière modification : 07/11/2012

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